Grégoire Lemarchand (AFP) : « Lorsque quelque chose se passe, cela se traduit immédiatement sur Twitter »

Médias et journalistes ne peuvent plus passer à côté de Twitter sans risquer de passer à côté d’une info. Pour le journaliste à la rédaction en chef chargé des réseaux sociaux à l’AFP (Agence France Presse), cet outil change à la fois tout et rien. Une partie essentielle du travail du journaliste consistant toujours à vérifier et valider l’information. Entretien avec Grégoire Lemarchand.

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En quoi Twitter est-il devenu un outil essentiel pour les médias ?

L’actualité française et même internationale a prouvé à quel point il est indispensable pour les journalistes d’y être. Aujourd’hui, lorsque quelque chose se passe, cela se traduit immédiatement  sur Twitter. Les gens ont des Smartphones. Quand on assiste à quelque chose d’important, c’est devenu un réflexe de le partager. On l’a vu lors des attentats à Mumbaï, en Inde, en 2008. Des témoignages sont sortis immédiatement. Même chose lors des événements du printemps arabe, de l’affaire DSK, du Tsunami, de Fukushima… Ou encore avec l’élection de Barack Obama. La victoire a été annoncée sur son compte en premier. Du jamais vu.
Je pense aussi à un exemple plus récent, avec la catastrophe ferroviaire de Bretigny-sur-Orge. Photos et témoignages étaient diffusés sur Twitter avant même la confirmation par la SNCF. Idem lorsque Delphine Batho a été convoquée par le Premier ministre puis limogée du gouvernement, l’annonce a été faite sur Twitter.


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A ses débuts, on disait que twitter était réservé aux journalistes et à un petit microcosme parisien. Depuis 2-3 ans l’usage n’est plus réservé à un cercle d’initiés. Twitter est de plus en plus utilisé par les jeunes, qui sont de futurs consommateurs de média. Il est aujourd’hui impératif pour un média d’y être. Et d’être dynamique.

Qu’est-ce qui a changé pour les journalistes ?

A la fois beaucoup de choses et rien. Prenons l’exemple d’un attentat dans le RER. Il y a 20 ans, les journalistes et l’AFP auraient été les premiers sur place. Aujourd’hui, un journaliste de l’AFP n’aurait pas démarré sa moto que des photos circuleraient déjà sur twitter. Ensuite, le boulot est le même pour le journaliste, à savoir : sourcer, vérifier l’info…

Prenons l’exemple du fameux tweet de Valérie Trierweiler, encourageant Olivier Falorni, opposé à Ségolène Royal dans sa circonscription de La Rochelle, entre les deux tours des législatives en juin 2012. L’AFP n’a pas diffusé l’information avant de la vérifier et de la valider. Un de nos journalistes a donc appelé l’intéressée, qui a confirmé. Nous avons un principe fort à l’AFP  :  si vous avez un doute, abstenez-vous !

Une info exclusive va-t-elle aujourd’hui être tweetée sur le compte du journaliste ou de son média avant de faire l’objet d’un article ?

En allant aux Etats-Unis, très en avance sur ces pratiques, j’ai noté que des médias comme Reuters, Associated Press ou encore le Washington post incitent leurs journalistes à se montrer actifs sur Twitter, mais aussi à favoriser leur média en cas de scoop. A l’AFP, la priorité est toujours donnée à nos clients. Le tweet, accessible à tous, vient après.

Certains journalistes précisent que leurs propos n’engagent qu’eux, alors même que le nom de leur média est associé à leur profil Twitter. Qu’en pensez-vous ?

La situation est encore floue à ce niveau là. Slate avait d’ailleurs publié un papier pour expliquer que cela ne servait à rien. L’AFP invite les journalistes à le préciser sur leur compte. C’est une précaution. Après, si je raconte n’importe quoi en tant que « Grégoire Lemarchand de l’AFP », cela va provoquer un « scandale ».

Vous pourriez être renvoyé… 

Cela n’est jamais arrivé à l’AFP, mais des journalistes ont été renvoyés suite à des tweets aux Etats-Unis et en Angleterre. J’ai également en tête le cas de Pierre Salviac, journaliste spécialisé en rugby, sous contrat avec RTL et qui a été remercié par la station après un tweet sexiste sur Valérie Trierweiler.
Il ne faut pas perdre de vue que Twitter est un espace  public. Tout peut être lu par n’importe qui à partir du moment où il est inscrit.
Il est courant que tout la communauté s’emballe à propos d’un tweet. Dans l’affaire du « tireur de Libération », un sympathisant de l’UMP a écrit une bêtise  énorme, sur le registre du café du commerce. J’estime qu’on n’aurait même pas du relever son tweet.

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Twitter ou Facebook : quelle différence pour un média  ?

Avec Facebook, on touche potentiellement plus de monde, car ce réseau affiche 1,5 milliards d’inscrits, contre 230 millions pour Twitter. Le problème avec Facebook, c’est que l’on se retrouve totalement à la merci des algorithmes. Et le mordu d’actu est sur Twitter.

Propos recueillis par Isabelle Maradan Twitter @leducentete

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Comment twitter est devenu un outil essentiel pour les médias ?

G.Lemarchand

Telle était la question posée aux journalistes Grégoire Lemarchand, et à son collègue Marlowe Hood, respectivement responsable des réseaux sociaux et chef de projet Twitter à l’AFP, le 14 novembre 2013 à Grenoble.

Cette conférence était proposée par la Chaire « Information et Convergences Numériques ». Une initiative de Sciences Po Grenoble, Grenoble Ecole de Management et Supcréa, membres fondateurs de la Chaire, dont France Télévision, Arte, Canal+, l’AFP, Daily Motion, Le Nouvel Observateur et Groupe Condé Nast sont aujourd’hui partenaires.

Née en septembre 2011, la Chaire Convergences se veut un dispositif pédagogique, de recherche et d’expérimentation, sur le thème des mutations du journalisme et des médias. Des mutations principalement liées la généralisation du numérique et de l’internet.

Pour en savoir plus : http://www.chaire-convergences.info/

Contact : Eric Delon, responsable des partenariats de la Chaire Convergences : eric.delon[at]chaire-convergences.info. Journaliste, il est également membre du collectif Les Incorrigibles.

 
 

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